jeudi 23 décembre 2010

Noël en Finlande

En Finlande, c'est Joulupukki, un personnage sensiblement similaire au Père Noël, qui le 24 décembre au soir, vient à la rencontre des enfants.
Le bonhomme ventripotent frappe aux portes et pose sa traditionnelle question : "Y a-t-il ici un, ou plusieurs enfants sages ?", avant de distribuer ses cadeaux aux petits et aux grands et de repartir vers d'autres maisonnées, à bord de son traineau conduit par des rennes.
A l'image de Santa Claus, le Père Noël Finlandais est habillé de rouge et porte une barbe blanche. Il vit à Korvatunturi, dans le Grand Nord, près de la frontière Russe, aux côtés de son épouse Joulumuori, dont il est dit peu de choses.
Dans son atelier, Joulupukki est entouré d'une équipe de Joulutonttu, des assistants qui ne sont ni des lutins, ni des elfes mais des personnages aux traits humains, portant la barbe et arborant les mêmes vêtements que le vieil homme ; à deux différences près cependant : ils sont plus petits que le Père Noël et ne peuvent pas voler !

D'ailleurs, pourquoi le Père Noël vole-t-il?

L'histoire de Père Noël à bord d'un traîneau volant trouverait ses racines dans d'ancestrales traditions Samés.
En Finlande, on raconte que les grandes forêts du pays cachent des amanites tue-mouches que les chamanes de Laponie utilisaient autrefois pour nourrir leurs rennes. Les intestins des animaux filtraient le poison et conservaient quelques substances hallucinogènes que les chamanes ingéraient en buvant l'urine des bêtes.
Quand l'effervescence du rite atteignait son apogée, ils faisaient l'expérience du dédoublement et leur âme s'envolait. Après quelques minutes ou quelques heures passées aux côtés des esprits de la nature, celle-ci retrouvait l'enveloppe corporelle du chamane en passant par la cheminée de sa hutte.
Cettte tradition du rite chamanique Samé expliquerait la propension du Père Noël à voler et à passer par les cheminées. La tenue rouge et blanche, elle, serait liée au champignon... 

Un repas festif

Le Joulupöytä
Le réveillon de Noël en Finlande est l'occasion de profiter d'un généreux Joulupöytä (littéralement buffet de Noël), l'équivalent du  smörgåsbord suédois.
On y trouve pour l'occasion quelques mets de fête : pommes de terre à l'eau ou cuisinées, lutefisk (ce fameux poisson mariné dans sa solution alcaline), gratins de légumes, jambon, volaille mais aussi vodka, glogg, bière et vin (n'oublions pas que nous sommes dans le Nord de l'Europe !).
La salade Rossoli fait aussi partie du décor. Dans un grand plat, divers ingrédients sont présentés en quartiers (carottes, betteraves, pommes de terre) et décorés d'oeufs durs ou de harengs au vinaigre.
En dessert, les pâtisseries crémeuses et le pain d'épices font le bonheur de tous les gourmands.

Un Noël Finlandais ne serait pas complet sans le traditionnel sauna, dans lequel chacun savoure avec délice un bain de vapeur sèche pour éliminer les toxines accumulées par l'organisme.

Huyvä Joulua !
Joyeux Noël !

mercredi 22 décembre 2010

Noël en Islande


Au début du siècle dernier, la population islandaise vivait principalement à la campagne. Les hivers étaient rudes et cinglants. Dans cette atmosphère particulière où le noir de la roche volcanique côtoyait la blanche neige, les légendes étaient très répandues et la période de Noël rimait souvent avec peur et crainte. Ainsi, les enfants qui n'avaient pas été sages étaient enlevés puis cuisinés avant d'être dévorés par l'ogresse Grýla ou par son mari, Leppalúði.  En outre, un chat noir et géant rodait et pouvait à tout moment ne faire qu'une bouchée des bambins mal débarbouillés.


Grýla et Leppalúði

Evidemment, ces personnages épouvantaient les petits, si bien qu'un décret, publié en 1746, interdit de mentionner Grýla et ses enfants. Car Grýla et Leppalúði, tous deux laids comme des poux, n'avaient pas fait les choses à moitié en enfantant 9 ou 13 gnomes (le nombre varie selon les siècles et les versions). Espiègles et plus sympathiques que leurs parents, ils ne s'interdisaient cependant pas quelques rapts de marmots. Ils descendaient de la montagne 13 jours avant Noël et revenaient après les festivités jusqu'à la nuit des Rois, enlevant ça et là quelques moutards insupportables et chipant des provisions dans les fermes où ils s'arrêtaient pour se nourrir. Chacun avait un prénom et une caractéristique. Ainsi, Þvörusleikir  léchait les cuillers en bois, Pottasleikir  les marmites, Faldafeikir (mon préféré) soulevait les jupes des jeunes femmes, Skyrgámur mangeait du fromage blanc et Gluggagægir était un curieux, un brin voyeur, qui adorait regarder aux fenêtres.

Tous ces personnages traditionnels existent encore aujourd'hui dans la culture islandaise mais ont été progressivement remplacés par le Père Noël, beaucoup plus débonnaire et jovial.


Un des gnomes...

Les festivités de Noël

En Islande, si les festivités de Noël débutent durant la période de l'Avent, le point d'orgue s'articule autour de la messe de St Thorlákr (Saint Patron de l'Islande) le 23 décembre et se poursuit à table le 24 décembre. Le dîner se prend tôt (18 heures dans les grandes villes) et les tables offrent des mets variés et très appréciés des islandais : pudding au riz, raisins et lait, perdrix des neiges rôtie, agneau fumé, gâteau aux pommes et à la crème.
Décorées avec goût, les pièces de la maison sont constellées de bougies, de noix, de pommes et autres sucreries. Petits et grands se promènent autour de l'arbre et entonnent des chants de Noël. Dans les familles où la religion tient une place de choix, il arrive que le maître de maison lise quelques passages de la bible.

La coutume de Noël, très chère aux Islandais, est célébrée chaque année, de la même façon, et avec les mêmes personnes, famille ou amis.

Gleðileg jól !
(Joyeux Noël !)

dimanche 19 décembre 2010

Noël en Norvège

En ces périodes de fêtes, je vous propose de retrouver quelques sujets abordés l'année dernière sur ce blog, autour de la préparation de Noël dans certains pays du Nord. On commence avec la Norvège !


Une préparation ritualisée

En Norvège, la préparation des fêtes débute dès l’Avent.
Dans les familles où le respect des traditions est l’un des piliers des festivités, on élabore avec créativité un calendrier fait maison et l'on y dépose un chocolat ou un petit présent pour chaque nouveau jour.


Une autre variante consiste à piquer dans une orange 24 clous de girofle que l’on enlève au fil des jours, mettant ainsi à rude épreuve la patience des bambins dont la seule hâte est de plonger une fois pour toutes dans la féérie de Noël.
En effet, même si la magie des bougies et des guirlandes scintillantes a déjà enveloppé les intérieurs, ourlant les maisons d'une atmosphère veloutée, il manque un élément majeur : le sapin.
Paré de ses plus beaux atours le soir du 23 décembre, sa décoration, en famille, offre d'inoubliables moments de joie.
Dans le même temps, on sert le "gløgg", un fameux vin chaud typiquement scandinave, dans sa version alcoolisée ou non alcoolisée.


Noël le 24 Décembre

En Norvège, le jour de Noël ne se fête pas le 25 mais le 24 décembre.
Les grandes tablées animées où chacun se livre à un discours ne sont pas rares.
Quant aux spécialités culinaires, elles varient d'une région à l'autre. Au nord du pays ou le long des côtes, le poisson est dans toutes les assiettes (ou presque). On y déguste le « lutefisk », une morue marinée dans une solution alcaline. Seuls les norvégiens de souche, ceux qui ont grandi dans le froid piquant du cercle polaire arctique peuvent apprécier ce plat au goût si particulier !
Ailleurs, le "svineribbe", une côte de porc cuisinée ou encore le "pinnekjøtt", une côte de mouton salée éveillent les papilles. Ces mets sont de temps à autres servis avec une choucroute sucrée.
Le riz au lait, lui, est consommé avec délice un peu partout dans le pays. Présenté dans un grand plat ou dans des ramequins, il cache une amande qui une fois découverte, promet une surprise au gourmand ou à la gourmande.

Père Noël et lutins


Et le Père Noël dans tout ça ? Certes, il est central dans la magie des fêtes de fin d'année mais les enfants aiment aussi les lutins, les "Julenisser". Personnages légendaires, ils vivent dans les étables et sont souvent très susceptibles. S'ils n'ont pas été traités avec respect et gentillesse par les adultes et les petits, ils leur jouent des tours.  Mais il est aisé de les amadouer et d'obtenir leur pardon, en leur offrant par exemple un grand bol de riz au lait !

God Jul !*
Joyeux Noël !

mercredi 8 décembre 2010

Transformer sans déformer

Aujourd'hui, je souhaite partager avec vous une intervention d'Eric Boury, traducteur de littérature islandaise. Je n'ai jamais caché mon admiration pour son travail et plus généralement pour le travail complexe de traducteur. 
Au quotidien, ces passeurs de culture se trouvent confrontés à certaines difficultés que le lecteur ne peut percevoir.
Par exemple, comment transformer sans déformer ?
Voici la retranscription de l'intervention d'Eric, donnée à l'Ambassade d'Islande à Paris le 21 novembre dernier.

"Transformer sans déformer"

"Que font les traducteurs ? Leur travail consiste à réécrire, le plus souvent dans leur langue maternelle, une œuvre qu’un auteur a conçue dans une langue étrangère. Formulée ainsi, la chose paraît extrêmement simple. Au risque de décevoir bien des gens, un traducteur n’est toutefois pas un écrivain ; les textes qu’il recréée, qu’il réécrit ne sont pas nés de son imaginaire et pourtant, il passe une bonne partie de sa vie plongé dans un paradoxe : il assemble des mots qui sont exclusivement les siens et, dans le même temps, appartiennent tout aussi exclusivement à un autre… Il est l’ombre de cet autre, une ombre qui s’efforce de transférer une œuvre rédigée dans une autre langue, un texte produit dans un univers mental et culturel spécifique et qui, s’il ne le traduisait pas, resterait inaccessible à un large public.

Eric Boury
Il n’est pas étonnant que, dans de telles conditions, l’activité du traducteur soit souvent perçue comme très utile. Aussi importante que suspecte. Un homme d’expérience pour lequel j’ai autant d’affection que d’admiration m’a un jour mis en garde : Il y a du vice dans la traduction, fiston, m’a-t-il averti. Du vice… Voulait-il parler peut-être d’une forme spéciale de masochisme développée par les traducteurs ou renvoyait-il à la formule du traducteur trahissant Traduttore tradittore qu’on prête aux Italiens ? En effet, quelle confiance peut-on accorder à des gens qui passent leur temps à écrire sans réellement le faire ? A des individus qui s’adonnent assidûment à une activité alors qu’en réalité, ils ne font rien d’autre, ou presque, que de répéter quasiment la même chose que ce qu’un autre a déjà dit. Serions-nous dans une version modernisée des habits neufs de l’empereur où les métiers à tisser auraient été remplacés par les ordinateurs ? Ou peut-être tenons-nous ici la solution définitive du « Je est un autre » ? Les traducteurs possèdent-ils également, tant qu’on y est, le don d’invisibilité ? Précisément, la plus précieuse louange qu’on puisse leur adresser est celle qui consiste à leur dire que leur texte semble avoir été rédigé directement dans la langue cible, sans intermédiaire. « Votre traduction est très belle, on ne voit pas du tout votre travail ! » Eh bien, merci pour ce compliment bien tourné, madame, monsieur ! Pour un peu, on se demanderait si on ne s’est pas en plus perdu entre les pages d’Alice au pays des merveilles : Do cats eat bats or do bats eat cats ? 

A propos, comment traduiriez-vous cette simple phrase de l’anglais vers le français ? Je vous propose : Les chats mangent-ils les chauves-souris ou les chauves-souris mangent-elles les chats ? Mais, me direz-vous, cette citation de Lewis Caroll ne signifie rien, c’est un Anglais et les Anglais sont les Anglais, n’est-ce pas ? La traduction que je propose ici est tout à fait exacte par rapport à l’original : elle ne signifie rien en français non plus ; pour un peu, on serait tenté d’ajouter une note de bas de page stipulant que c’est de l’humour anglais, synonyme d’hermétisme et le tour serait joué. Mais voilà, que fait-on de la répétition des quasi-homophones : cats et bats ? Et la « fonction poétique du langage » alors, que lui est-il arrivé ? Nous n’allons quand même pas lui tordre le cou : voilà pourquoi la proposition que je viens d’avancer n’était pas honnête. Vous voyez, je ne suis pas traducteur pour rien ! Le défaut majeur de la version française est qu’elle ne respecte pas l’esprit de l’original. Je lui préférerais nettement la formulation suivante : « Sont-ce les chats qui mangent les rats ou les rats qui mangent les chats ? » ou encore « Les chats mangent-ils les rats ou les rats mangent-ils les chats ? » Cette version-là contient certes un contresens majeur sur le terme « bat », lequel n’est pas équivalent de « rat » en anglais et pourtant, elle me semble nettement meilleure que la première car elle ne trahit pas l’esprit d’Alice au pays des merveilles. Jusqu’à quel point peut-on ou doit-on trahir pour rester fidèle ? Jusqu’à quel point la fidélité peut-elle être trahison ? Hvenær drepur maður mann og hvenær ekki (1)?

Justement, allons un peu en Islande, c’est un pays intéressant où il n’y a pas que des glaciers, des geysers, des crises bancaires et des volcans farceurs. On y arrive la plupart du temps en avion quand ces volcans aux noms imprononçables ne font pas des leurs et, si l’on a la chance d’y atterrir finalement, on lira dans le long couloir vitré qui donne sur les champs de lave pluvieux et mélancoliques, parmi les publicités diverses, les deux inscriptions suivantes : Velkomin heim et Welcome to Iceland. A propos, comment dit-on Iceland en islandais ?  Euh… heim ? Sans doute et surtout, sans majuscule. Etonnant, non ? Je vous l’accorde. Le problème est que le mot heim renvoie dans bien des contextes à autre chose qu’à l’Islande, mais que, dans le cas présent, il ne peut désigner autre chose que, précisément, l’Islande. Cela ne vous rappellerait-il pas quelque chose ? Eh oui, nous revoilà chez Alice. Si on traduisait l’expression mot à mot en anglais, on aurait : Welcome homeBienvenue à la maison, Bienvenue au pays : de quoi décevoir plus d’un touriste en mal de dépaysement…  Non, les autorités de l’aéroport de Keflavík n’ont pas commis une grossière erreur de traduction, Velkomin Heim signifieBienvenue en IslandeWelcome to Iceland, mais l’inscription en islandais s’adresse aux Islandais et leur souhaite simplement un bon retour au pays. Ce petit exemple pose assez bien, me semble-t-il, le problème de la nécessaire mise en contexte de toute traduction en même temps que celui de l’adaptation. Chaque langue fonctionne en vertu de contraintes et de règles précises, celles du français ne sont pas identiques à celles de l’islandais, j’ai l’impression d’enfoncer une porte ouverte en le disant. 
Par exemple, le français supporte très mal la répétition, laquelle n’est nullement rédhibitoire en islandais. Il est fréquent que, dans les dialogues, un auteur se contente de recourir aux verbes « segja, svara et spyrja, dire, répondre et demander ».  La chose est tout simplement inenvisageable en français où l’on utilisera des verbes aussi variés qu’interroger, répliquer, rétorquer, renchérir, glisser, interrompre, couper, murmurer, marmonner, grommeler, regretter, crier, s’écrier, s’époumoner, hurler, s’exclamer, s’esclaffer… en fonction du ton, de la situation ou de l’expression du locuteur.  Ce n’est pas que l’islandais manque de vocabulaire. Il suffit de s’intéresser à la neige pour laquelle il existe quantité de termes. Ici, les Islandais ne se contentent pas de vagues approximations, pour des raisons qu’on saisira facilement. Dans un pays où l’on peut se retrouver bloqué par une tempête plusieurs jours de suite et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il convient que la langue soit précise. On a donc snjór, skafrenningur, krapi, slydda, hríð, fönn, mjöll, föl, stórhríð, neðanbylur, skafl etc. Afin de transférer ces termes en français, on ne peut que recourir à diverses périphrases. La phrase : Föl var á jörðu deviendra donc Un fin voile de neige recouvrait la terre, et je n’affirme pas que ce soit LA traduction, mais seulement UNE version possible, un essai, une proposition. 
Il convient en effet de souligner qu’il n’existe pas de traduction qui soit à la fois de bonne qualité littéraire et parfaitement exacte. Ce que ce qui compte le plus, c’est le respect de l’esprit d’un texte ainsi que de la culture qui l’a engendré et non de la lettre : il existe de belles, de très belles et très poétiques traductions qui parviennent à rendre l’atmosphère d’une œuvre, mais le lecteur doit se garder de croire qu’il lit exactement le même texte que celui écrit par l’auteur : ce ne sont pas les mêmes mots, le même rythme, les mêmes sons, la même musique, les mêmes jeux de langage : ce n’est pas la même langue.  On assiste toujours à une certaine déperdition en ce qui concerne les réseaux de sens, le phrasé et le rythme qu’il convient de tenter de reconstruire. Parfois, à l’inverse, certains passages d’une traduction dépassent en qualité loeuvre originale. Par exemple, cest le cas de celleque le pasteur Jón Þorláksson a faite du Paradis Perdu de Miltoncomme le précise Jón Kalman Stefánsson dans Entre ciel et terre(2).

J’ajouterai que, lisant le même livre, aucun lecteur ne lit jamais la même œuvre que son voisin, chaque lecteur, tout comme le traducteur, interprète le texte à travers le prisme de sa sensibilité, il se projette ou pas, s’attache parfois à des points auxquels ni l’auteur ni le traducteur n’ont accordé autant d’importance et, inversement, en ignore d’autres, capitaux pour l’auteur ou qui ont demandé un important travail de recherche lexicale au traducteur. Il ne faut pas non plus oublier que le traducteur est pris entre le marteau et l’enclume : sachant que le résultat ne sera jamais entièrement à la hauteur de ses attentes ou de ses désirs, il tente d’adapter le texte source sans le détruire ni le défigurer totalement et s’efforce de le fondre dans les usages de sa propre langue avec laquelle il négocie sans cesse, sa propre langue dont il arrive qu’il doive repousser, sans trop la malmener, les limites grammaticales et sémantiques. Parallèlement, il doit souvent procéder à quelques adaptations d’ordre culturel et n’a pas vraiment d’autre choix que de trahir parfois un peu la lettre afin de demeurer fidèle à l’esprit. Je n’affirme évidemment pas qu’il faille aller jusqu’à traduirehákarl et brennivín (3) par foie gras et cognac ou encoreescargots et calvados sous prétexte que les premiers termes renvoient à une réalité typiquement islandaise et les derniers à la cuisine française, laquelle est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, et fait évidemment partie intégrante de la culture française. Ce serait tout de même aller un peu loin dans l’adaptation. Le traducteur doit s’attacher à transformer et à transférer sans trop déformer : en réalité, il ne dit pas la même chose, mais presque. Ce n’est certes qu’un presque, mais comme l’affirme Jón Kalman Stefánsson dès le début d’Entre ciel et terre quand il dit « Nous sommes presque uniquement constitués de ténèbres », c’est dans l’espace offert par cepresque que réside l’essentiel. C’est dans ce presque que se logent la lumière et les mots, ceux de l’auteur, portés par la voix du traducteur…

Eric BOURY



[1] « Quand tue-t-on un homme et quand ne le tue-t-on pas ? Ou bien, « Il y a tuer un homme et tuer un homme ». On trouve cette phrase dans la Cloche d’Islande, Halldor Laxness, traduite par Régis Boyer.
[2] Publié chez Gallimard, traduit par Eric Boury.
[3] Le hákarl est du requin faisandé, pour ainsi dire pourri et le brennivín, une eau-de-vie islandaise : l’un comme l’autre ont un goût précis qu’on 


mardi 30 novembre 2010

Islande : les Vikings auraient fait venir des Amérindiens

Encore une information qui risque de faire plaisir à celles et ceux (dont je fais partie), qui ont l'intime conviction que le continent américain a été découvert par les Vikings bien avant Christophe Colomb.
Le CSIC, l'institut de recherches scientifiques d'Espagne a indiqué mi novembre que des analyses génétiques réalisées sur environ 80 personnes issues de quatre familles islandaises révélaient la présence d'un type d'ADN qui ne se trouve que chez les amérindiens ou les personnes nées en Asie de l'Est.
Asie de l'Est ? Si l'on voulait faire une interprétation rapide, on pourrait affirmer que l'ADN provient de familles asiatiques établies en Islande depuis peu. Mais ce serait aller trop vite. 
Car les analyses des arbres généalogiques démontrent que les quatre familles islandaises descendaient d'ancêtres qui vivaient entre 1710 et 1740, dans une même région située au sud de l'île.
En outre, la lignée génétique découverte est dite "mitochondriale", ce qui signifie que le gêne a été introduit en Islande par une personne de sexe féminin.


A partir du Xème siècle, l'Islande étant relativement isolée, les scientifiques à l'origine de l'enquête considèrent que ces gênes correspondent à ceux d'une amérindienne, emmenée du continent américain en Islande vers l'an 1000.
Le rapport, établi par les scientifiques du CSIC et de l'Université d'Islande, a été publié dans une des éditions de l'American Journal of Physical Anthropology.

Source : http://news.discovery.com/archaeology/vikings-native-american-woman.html

mercredi 10 novembre 2010

Suède : (po) potins : le roi est un chaud lapin !

On ne dirait pas comme ça, mais je suis un roi très coquin
La Suède nous fait une montée de fièvre depuis jeudi dernier. Une fièvre intense dont la presse fait ses choux gras. Au centre de toutes les ébullitions, le Roi Carl XVI Gustaf, qui derrière ses airs de ne pas y toucher est un véritable polisson porté sur la chose. 
Si cette attirance pour les plaisirs de la chair était restée confinée aux chambres feutrées du Palais Royal, je me serais gardé de tout billet sur ce blog. Oui mais voilà, les pulsions régaliennes ne semblent pas se porter uniquement sur la reine Silvia. 
Carl aurait en effet participé aux côtés de jolies jeunes femmes à des fêtes très débridées...

A l’origine de ces révélations, un livre d’investigation sorti jeudi dernier en Suède. Ecrit par trois journalistes, « Den motvillige monarken » ou «  le Souverain malgré lui » dépeint une sorte de Berlusconi du grand nord, au goût prononcé pour la gente féminine et les orgies. 
Un penchant pour les plaisirs charnels qui atteint son paroxysme dans les années 80 et 90 quand Carl Gustaf se rend dans des clubs de strip-tease suédois et étrangers lors de ses déplacements.
A première lecture, pas de quoi s’étouffer avec un krispolls. Sauf que la fréquentation de ces lieux de stupre, qui a duré des années, était parfois hebdomadaire.  
Selon Mille Markovic, criminel patenté aux rennes du Power Club, Carl venait tous les lundis passer du bon temps avec ses amis. Un invité prestigieux à qui Markovic pourrait offrir un mauvais cadeau en souvenir ; le truant menace en effet de rendre publiques deux vidéos de Carl en bien mauvaise posture.
Naturellement, les médias se délectent de tous ces potins, d'autant que des langues commencent à se délier. 
De nombreuses femmes prennent contact avec la presse, comme cette Désirée qui déclare au quotidien Aftonbladet avoir été invitée dans les années 80 avec dix autres filles dans la station de sports d’hiver d’Ǻre dans le nord du pays.  « Ils avaient mis des pancartes sur les portes de leur chambre pour dire qui devait coucher avec qui ».
C'est chaud le nord...

Imaginez la tête de la reine Silvia quand elle sera informée du scandale national créé par son chaud lapin de mari. Pour l’instant en déplacement aux Etats-Unis, elle est loin de se douter de l’intensité de tout ce remue ménage.
La reine Silvia il y a quelques années. "J'ai eu la fève, c'est moi la reine"
Carl, lui, n’a pas son visage des beaux jours. Alors qu’il chassait  l’élan dans le Sud-Ouest du pays (à défaut de chasser la gazelle), il a du tenir une conférence de presse et calmer les ardeurs des journalistes et des suédois, soulignant que tout cela s’était passé il y a longtemps et que sa famille et lui avaient tourné la page.

Au Palais Royal, personne n’a lu le livre et on ignore la suite que Carl XVI Gustaf compte donner à cette affaire.
Selon le service de presse de la couronne, aucune poursuite ne devrait être lancée à l'encontre des auteurs de l'ouvrage. Néanmoins, certaines coïncidences sont troublantes. Tove Meyer, l’un des journalistes à l'origine de  cette enquête a dû quitter avant-hier son poste à la radio suédoise.   

jeudi 4 novembre 2010

Entre ciel et terre, Jón Kalman Stefánsson


Le dernier roman de Jón Kalman Stefánsson est aussi le premier à avoir été traduit en français.
À « Himnaríki og helvíti » en islandais (l’enfer et le paradis), la version française a préféré « Entre ciel et terre ». 
Une œuvre qui interroge sur le pouvoir du langage, la beauté et le sens des mots ; ces mots qui exultent, ivres de vie, de joie et de rêves, ces mots qui souffrent aussi et nous renvoient à nos solitudes. 
Ces mots qui nous font et nous défont, à moins que ce ne soit l’inverse....


Sous ces hautes latitudes, le décor est rude.
Le lecteur arrive dans un petit village de pêcheurs en Islande, au fond d’un fjord de l’ouest de l’île.
Tout est gris et sombre. La terre, la mer et le ciel inhospitaliers.
Le vent souffle fort. Le froid cingle. 
Les images me reviennent au compte-gouttes. 
J’ai refermé le livre il y a trois mois mais je ne pouvais pas en parler, ni l’écrire tant il m’a bouleversé ; cette force, ce pouvoir dans les mots….
C’est la saison de la morue. Ici, quelques hommes vivent et meurent de la pêche. 
Bárður est un marin passionné de livres. Au moment où Jón Kalman Stefánsson le raconte, il s’enivre de la prose de Milton « le paradis perdu », au point d’en oublier sa vareuse au baraquement des pêcheurs. A ses côtés, un jeune garçon. On ne saura jamais son prénom. Lui aussi s’est laissé gagné par la magie des mots au point de vouloir « accomplir quelque chose dans cette vie, apprendre les langues étrangères, parcourir le monde, lire un millier de livres ».
Ce garçon est orphelin. Il ne lui reste qu’un frère qui vit loin derrière la montagne. Mais Bárður, c’est un peu son père, son frère et un ami…enfin, c'était. Car le vent glacial qui souffle sur la barque aura raison de lui. 
Esseulé, abandonné, le garçon voudrait rejoindre Bárður dans la mort, fuir la vie. Après tout, quand on ne connaît que le ciel et la mer, peut-on trouver sa place sur terre ?
Pourtant, c’est sur cette terre islandaise noire et glacée qu'il débute son voyage initiatique. Sur son parcours,  des personnages qui tous, derrière leurs apparences rugueuses et un brin austères, lui insuffleront la lumière qui lui permettra de reconsidérer sa destinée. 
Continuer de vivre, pour s’éloigner de l'obscurité.



"Entre ciel et terre" est un livre fort, qui lie le pouvoir des mots à la notion de liberté. Un grand poème, qui de la première à la dernière page, explore les secrets de l’âme humaine ; se heurte à ses parois enténébrées tout en y instillant lumière, espoir et amour.

Et le tout traduit avec grâce par Eric Boury….

Jón Kalman Stefánsson 
« Douce est la brise matinale, douce l’arrivée du jour. La suivent les notes mélodieuses, des oiseaux levés, qui l’oreille enchantent. Nulle chose ne m’est plaisir en dehors de toi. »



mardi 2 novembre 2010

Le régime nordique a le vent en poupe

En Islande, Suède, Norvège ou encore au Danemark, les habitudes alimentaires diffèrent quelque peu de nos modes d'alimentation "latins", culture, climat et géographie obligent.
Alors que trouve-t-on dans les assiettes ? 
Beaucoup de matières grasses riches en omégas 3 et en antioxydants ; ainsi, poissons des mers froides, graines, baies et autres choux régalent les amateurs. 
Un régime aux multiples bienfaits qui réduirait de manière significative les risques de maladies cardiovasculaires, le diabète mais aussi le cholestérol et de fait, prolongerait l’espérance de vie.
Sur la toile, dans les magazines et sur les étagères des libraires, les articles et autres ouvrages sur le sujet ne cessent de fleurir, au point de faire de l'ombre au célèbre régime crétois. 
Alors hier, je me suis dit qu'il serait tout de même intéressant de feuilleter un des nombreux bouquins proposés à la vente. 
Le dernier en date s'appelle « le régime nordique ». Il est signé Carole Garnier et Anne Dufour. 
Celles et ceux qui attachent de l'importance à la nutrition, au goût et au bien être devraient y trouver leur bonheur.




Les deux journalistes peignent les points forts d’une alimentation riche en omégas 3, en polyphénols « super-antioxydants » mais également en fibres et en vitamines D. 
On y trouve également un classement des aliments santé par excellence : saumon, myrtilles, cassis, choux, carottes ou encore avoine ou et huile de colza. Bref, une formule gagnante, celle qui mêle saveurs et petits prix et vise la santé optimale. 
D'ailleurs, les auteurs proposent aussi un programme santé minceur de quinze jours jalonné de recettes légères et efficaces : velouté de carottes au fenouil, mijoté d’agneau des bois, mousses aux myrtilles ;  les papilles des gourmands devraient pétiller.
Naturellement, un régime sans exercice n'aurait pas les mêmes résultats, voilà pourquoi quelques pages du bouquin sont consacrées au "Nordic way of life" : marche nordique, sauna et autres sports d'hiver...  Avis aux amateurs !
Me concernant, je préfère retourner à mes pølser, ma petite bière et ma tranche de pizza. C'est aussi ça le Nordic way of life !

jeudi 14 octobre 2010

Islande : un parfum inspiré d'un volcan



Quand il s’agit de faire preuve d’inventivité, les peuples du nord sont rarement en reste.
Mais qui eût cru qu’un jour, une jeune créatrice de bijoux islandaise puisse commercialiser des fragrances inspirées du volcan islandais Eyjafjöll ?
Une drôle d'idée que Sigrun Lilja Gudjonsdottir défend avec force. L'artiste affirme que depuis l’éruption du volcan, l’idée d’amener la puissance de la nature islandaise jusque dans les foyers ne cesse d’occuper son esprit. L'élaboration du parfum a donc été la meilleure façon de matérialiser son concept. Evidemment, pas question ici de relents soufrés. Seule l’eau issue du glacier et un peu de lave pour la déco seront utilisées.

Sigrun Lilja Gudjonsdottir, l'artiste à l'origine du parfum
Fabriqué près de Grasse dans les Alpes-Maritimes, le parfum offrira d’agréables touches citronnées (très islandaises !) et sera conditionné dans des flacons de formes cubiques, un morceau de lave accroché en pendentif au col.
Même s'il est difficile à prononcer, la jeune femme a tenu à baptiser sa création du nom du volcan « Eyjafjallajökull », pour que la nature islandaise soit représentée dans tout son éclat. Pour celles et ceux qui auraient quelques difficultés avec la langue des Vikings,  le nom sera précédé des trois initiales EFJ. Un geste de compréhension qui devrait être apprécié à l’étranger... 
Commercialisé dès la mi-novembre en Islande, Eyjafjallajökull  pourrait très vite rejoindre les zones hors taxes des aéroports.



vendredi 8 octobre 2010

Norvège : découvrez Rune Guneriussen


Depuis quelques jours, je ne cesse de les regarder.
Les installations et les photographies de Rune Guneriussen me fascinent. 
Discrètes, mélancoliques et captivantes, elles semblent sonder le caractère intérieur de chacun de ses contemplateurs.

L'un d'entre eux est aussi leur créateur.
Rune Guneriussen, 33 ans, artiste solitaire, est un habitué des grandes promenades au coeur des  paysages norvégiens. C'est dans ces espaces infinis qu'il puise l'inspiration.

Artiste conceptuel, Rune Guneriussen utilise des objets du quotidien et les photographie au coeur de la nature norvégienne.
Diplômé du Surrey Institute of Art and Design, sa carrière, déjà bien lancée dans son pays d'origine, s'apprête à connaître le même succès en Allemagne, en Estonie, en Pologne et en Bulgarie.

Toutes élaborées sur site, les structures de Guneriussen sont photographiées en fin d'action.
Le travail est hautement complexe et nécessite de longues heures de préparation et d'installation.
En France, il a fait sensation l'année dernière, dans le cadre de la nuit blanche. Ses créations, installées dans le parc parisien des Buttes Chaumont, avaient conquis le public.

Au parc des Buttes Chaumont de Paris en 2009.
Bonne nouvelle pour celles et ceux qui l'apprécient ou souhaitent le découvrir plus en profondeur, le norvégien revient dans l'hexagone. 
Ses oeuvres seront exposées à la galerie melanieRio de Nantes jusqu'au 29 octobre.


Les créations de Guneriussen ne délivrent pas un message en particulier. Pour l'artiste, c'est à chacun d'inventer sa propre histoire, d'avoir sa propre interprétation.
Si vous êtes du côté de Bayeux (14) ou comptez vous y rendre à l'occasion du festival nordique "les Boréales", sachez que Guneriussen exposera au Radar, 24 Rue Cuisiniers.



 Crédit photo: Rune Guneriussen

vendredi 10 septembre 2010

îles Féroé : mon coup de coeur du moment !


Avant le week-end, je tenais à vous faire partager mon coup de coeur musical du moment : Budam, un jeune artiste des îles Féroé au style totalement atypique.
Alors évidemment, son album est sorti il y a un petit moment déjà. 
Mais comme il n'est jamais trop tard pour écrire sur ceux qu'on aime, voici deux trois impressions après quelques écoutes en boucle.

Pour commencer, la pochette et le titre du disque sont globalement annonciateurs de l'atmosphère générale.
Comme un ciel ténébreux parsemé de timides parcelles azurées, "Stories of Devils, Angels, Lovers and Murderers" est un mélange de mélancolie, d'angoisse mais aussi d'espoir et de fête.
On ressent le fragile équilibre de l'artiste rêveur, traversé de doutes ; qui de ses voyages autour du monde empreinte aux autres un peu de leur lumière. Et de retour au pays, laisse s'échapper de ses valises quelques musicalités inspirées.
Il y a dans cette oeuvre tout à fait singulière des mélodies ourlées de blues, de jazz ou encore de rock, sans oublier quelques accents balkaniques colorés.
Euphorisant et désenchantant à la fois, l'opus de Budam plaira à celles et ceux qui aiment jouer avec le feu des émotions contrastées...



A l'occasion des Boréales de Caen, Budam sera invité résident durant trois semaines.
La soirée de présentation du programme 2010 offrira aux intéressé(e)s la possibilité de découvrir cet artiste hors norme.
Entrée libre sur réservation
vendredi 8 octobre 2010, à 19:30
Comédie de Caen / Centre Dramatique national de Normandie
Plus d'infos sur http://www.crlbn.fr/les-boreales/




jeudi 2 septembre 2010

Islande, Reykjavik : un maire fantasque


Si vous aviez la possibilité d’élire un maire tout aussi fantasque que son programme, un ancien chanteur punk, qui lorsque les occasions s’y prêtent, se travestit en femme et se promène perruque à l’air et sac à main fluorescent au bras, comment réagiriez-vous ?
Seriez-vous enthousiasmés par cette « fraîcheur de style », prompte à dépoussiérer la politique classique ou au contraire plus mesurés, considérant que la politique est une affaire sérieuse qui doit être arbitrée par des personnes de confiance, formées au difficile exercice de la gouvernance ?

Les habitants de Reykjavik, eux, on opté pour la première possibilité et ont accordé leur confiance à un  candidat totalement loufoque. 
Si ces élections avaient eu lieu avant la grande crise de 2008, les résultats auraient probablement été différents. Oui mais voilà, l’Islande, qui était autrefois l’une des nations les plus favorisées de la planète, a durement été frappée par le tsunami économique et financier mondial.
Et quand un évènement de cette ampleur touche un pays avec une telle rapidité, les habitants attendent de la classe politique qu’elle se réveille, réfléchisse et agisse à travers des actions effectives. Les politiques islandais, eux, ont péché par excès d'immobilisme, désemparés face à ce déluge. 
In fine, le constat est terrible : l’endettement de certaines banques dépasse de 10 fois le PIB du pays, la couronne dévisse, le taux de chômage bondit et certaines entreprises sont contraintes de devoir mettre la clé sous la porte.

Pour sauver l’île de la noyade, une immense bouée de sauvetage est nécessaire.
Et cette bouée, c’est Jon Gnarr qui la lance.

Au moment où il crée son « Meilleur Parti », Gnarr est loin d’imaginer la victoire de sa liste.
Personnage insolite, connu des islandais pour sa carrière (ratée) de chanteur rock, ses pitreries multiples et ses rôles de comédien à la télévision, il souhaite avant tout amuser les habitants de Reykjavik.
Ses projets ? « Un Disneyland à l’aéroport », « un seul Père Noël pour faire des économies » ou encore « des serviettes de bain gratuites dans toutes les piscines ».
Des accroches divertissantes qui au-delà de leur sens premier, traduisent la volonté d’en finir avec une politique traditionnelle à bout de souffle.

Et quand le résultat des votes tombe en juin dernier, « Le Meilleur Parti » arrive en tête avec 35 % des suffrages.
Un score satisfaisant qui, toutefois, ne permet pas à Jon Gnarr d’obtenir la majorité des sièges au conseil municipal.
Des alliances sont nécessaires.
Au terme de plusieurs jours de tractations avec ses opposants, une série d'accords est signée et un nouveau conseil municipal voit le jour.
Autrefois gris et un brin austère, le voici à présent coloré et plus joyeux. Les mères au foyer, les comédiens et les chanteurs punk y côtoient de « vrais » politiques.
Une cohabitation inédite mais peu surprenante sur une île où les contraires sont habitués à composer.

Jon Gnarr (à gauche) adore cultiver l'exubérance...

Après trois mois de gouvernance, faire un premier bilan de la politique menée par Jon Gnarr serait prématuré.
Mais sur place, son action est très appréciée. Les réflexions et les partages d'idées foisonnent.
Gnarr est un autodidacte bien entouré qui se fait très vite une idée sérieuse des choses.
A l'heure actuelle, son plus grand chantier est de faire de la capitale islandaise la meilleure ville au monde pour les piétons et les familles.
Naturellement, comme cet excentrique accompagne toujours un projet "sérieux" de son opposé fantaisiste, il oeuvre en parallèle sur un projet de jumelage entre Reykjavik et la vallée des Moumines, des trolls imaginés il y a 70 ans par une écrivain finlandaise.
Un enthousiasme sans limite qui fait désormais flotter au-dessus de "la baie des fumées"* d'agréables parfums d'allégresse et d'espérance.

Reykjavík ([ˈreiːcaˌviːk], en islandais, baie des fumées)


mercredi 25 août 2010

Islande : des "pylônes humains"



Lu sur le site de The Daily Telegraph, cette proposition très astucieuse de la société d’architecture américaine Choi+Shine qui a conçu un projet innovant : transformer de tristes pylônes électriques islandais en une douzaine de personnages d’acier et de verre qui tous, traduiraient une posture ou une émotion. 
Ces sculptures, hautes de 45 mètres joindraient l’esthétique au fonctionnel et trouveraient naturellement une place de choix au coeur des paysages volcaniques islandais.
Remarqué lors de plusieurs compétitions d’architecture, le projet de Choi+Shine a été récompensé par la Société des architectes de Boston mais vient tout juste d’être écarté par la compagnie d’électricité islandaise.
Gageons qu'à l’avenir, de tels projets, à la fois artistiques et utiles, puissent remporter l’adhésion des décideurs.






mardi 24 août 2010

Norvège : biographie de Knut Hamsun


Je viens de refermer la toute dernière biographie de Knut Hamsun, publiée par les éditions Gaïa. : Knut Hamsun, rêveur et conquérant. Un pavé de huit cents pages, fruit de cinq années de recherche, de recoupement d’informations, d’analyse, de tri et d’écriture, bref, une référence majeure pour qui souhaite en savoir davantage sur le rapport entre l’écrivain et son œuvre.

Sur Internet ou dans les dictionnaires, les lignes consacrées à Hamsun reviennent abondamment sur les idéologies nazies soutenues et défendues par l’auteur durant la seconde guerre mondiale, prises de position qui lui valurent d'ailleurs un procès retentissant et le conduisirent à la ruine.
Pour autant, s’il est impossible de gommer de son existence cette sombre parenthèse, il convient de dissocier l’imbécillité de son engagement politique de la beauté de ses œuvres.
Car Hamsun, qui obtînt le prix Nobel de littérature pour « l’éveil de la Glèbe » en 1920, était avant tout un amoureux des mots.
L’un des pères scandinaves du roman psychologique, doté d’un fabuleux talent pour décrire les émotions de ses personnages, la nature norvégienne, ses paysages contrastés et ses lumières si particulières.
Deux ans avant de publier « Faim », l’oeuvre qui le révéla au grand public, Hamsun disait que le poète devait, dans toutes les situations, trouver le mot qui vibre, celui qui par sa précision, pouvait blesser son âme jusqu’au sanglot. 
Ses héros étaient à son image. Ils ne cherchaient pas l’accomplissement mais le rêve d’accomplissement. Lorsque Hamsun écrivait, il pouvait tout maîtriser, jusqu’au moindre détail. Tout était au bout de sa plume.
Dans « Faim » et « Mystères », pour la première fois à cette époque, le lecteur approfondit sa connaissance de l’homme moderne et saisit les méandres de sa psychologie.
Hamsun écrit sur l’ambivalence, la complexité ou l’incohérence du comportement humain.
Il est souvent question d’amours impossibles ou contrariés, comme dans « Victoria ».
Vouant une détestation affirmée pour le progrès, Hamsun dépeint, dans plusieurs fresques sociales et historiques, les dangers de la civilisation moderne.
Ainsi, dans  « Enfants de ce temps » et le « village de Segelfoss », il n’hésite pas à prôner le retour à la terre et à ses valeurs.
Kafka, Brecht, Wilde et Henri Miller (pour qui Hamsun était le meilleur écrivain de son temps) souligneront à plusieurs reprises la qualité de son style et la virtuosité de ses écrits.

La biographie passionnnante de Sletten Kolloen retrace également la dimension privée et personnelle d’un Hamsun totalement imprévisible. S’il était souvent excessif, arrogant et colérique, il savait aussi faire montre de générosité, d’esprit et de chaleur. Pétri de pesantes contradictions, son œuvre est à son image : composite.

Si vous êtes du côté de Caen (14) le 21 novembre prochain pour les Boréales, sachez qu'Eric Eydoux, le traducteur de la biographie de Knut Hamsun parlera en détail de la vie de l'écrivain et répondra à vos questions dès 17h à l'auditorium du musée des beaux arts de Caen.

Knut Hamsun, rêveur et conquérant, d'Ingar Sletten Kolloen, traduit du norvégien par Eric Eydoux, éd. Gaïa, 750p. 28€