jeudi 2 septembre 2010

Islande, Reykjavik : un maire fantasque


Si vous aviez la possibilité d’élire un maire tout aussi fantasque que son programme, un ancien chanteur punk, qui lorsque les occasions s’y prêtent, se travestit en femme et se promène perruque à l’air et sac à main fluorescent au bras, comment réagiriez-vous ?
Seriez-vous enthousiasmés par cette « fraîcheur de style », prompte à dépoussiérer la politique classique ou au contraire plus mesurés, considérant que la politique est une affaire sérieuse qui doit être arbitrée par des personnes de confiance, formées au difficile exercice de la gouvernance ?

Les habitants de Reykjavik, eux, on opté pour la première possibilité et ont accordé leur confiance à un  candidat totalement loufoque. 
Si ces élections avaient eu lieu avant la grande crise de 2008, les résultats auraient probablement été différents. Oui mais voilà, l’Islande, qui était autrefois l’une des nations les plus favorisées de la planète, a durement été frappée par le tsunami économique et financier mondial.
Et quand un évènement de cette ampleur touche un pays avec une telle rapidité, les habitants attendent de la classe politique qu’elle se réveille, réfléchisse et agisse à travers des actions effectives. Les politiques islandais, eux, ont péché par excès d'immobilisme, désemparés face à ce déluge. 
In fine, le constat est terrible : l’endettement de certaines banques dépasse de 10 fois le PIB du pays, la couronne dévisse, le taux de chômage bondit et certaines entreprises sont contraintes de devoir mettre la clé sous la porte.

Pour sauver l’île de la noyade, une immense bouée de sauvetage est nécessaire.
Et cette bouée, c’est Jon Gnarr qui la lance.

Au moment où il crée son « Meilleur Parti », Gnarr est loin d’imaginer la victoire de sa liste.
Personnage insolite, connu des islandais pour sa carrière (ratée) de chanteur rock, ses pitreries multiples et ses rôles de comédien à la télévision, il souhaite avant tout amuser les habitants de Reykjavik.
Ses projets ? « Un Disneyland à l’aéroport », « un seul Père Noël pour faire des économies » ou encore « des serviettes de bain gratuites dans toutes les piscines ».
Des accroches divertissantes qui au-delà de leur sens premier, traduisent la volonté d’en finir avec une politique traditionnelle à bout de souffle.

Et quand le résultat des votes tombe en juin dernier, « Le Meilleur Parti » arrive en tête avec 35 % des suffrages.
Un score satisfaisant qui, toutefois, ne permet pas à Jon Gnarr d’obtenir la majorité des sièges au conseil municipal.
Des alliances sont nécessaires.
Au terme de plusieurs jours de tractations avec ses opposants, une série d'accords est signée et un nouveau conseil municipal voit le jour.
Autrefois gris et un brin austère, le voici à présent coloré et plus joyeux. Les mères au foyer, les comédiens et les chanteurs punk y côtoient de « vrais » politiques.
Une cohabitation inédite mais peu surprenante sur une île où les contraires sont habitués à composer.

Jon Gnarr (à gauche) adore cultiver l'exubérance...

Après trois mois de gouvernance, faire un premier bilan de la politique menée par Jon Gnarr serait prématuré.
Mais sur place, son action est très appréciée. Les réflexions et les partages d'idées foisonnent.
Gnarr est un autodidacte bien entouré qui se fait très vite une idée sérieuse des choses.
A l'heure actuelle, son plus grand chantier est de faire de la capitale islandaise la meilleure ville au monde pour les piétons et les familles.
Naturellement, comme cet excentrique accompagne toujours un projet "sérieux" de son opposé fantaisiste, il oeuvre en parallèle sur un projet de jumelage entre Reykjavik et la vallée des Moumines, des trolls imaginés il y a 70 ans par une écrivain finlandaise.
Un enthousiasme sans limite qui fait désormais flotter au-dessus de "la baie des fumées"* d'agréables parfums d'allégresse et d'espérance.

Reykjavík ([ˈreiːcaˌviːk], en islandais, baie des fumées)


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