vendredi 25 mars 2011

"Magazine littéraire" spécial littératures nordiques



Avant que le mois de mars ne s’achève, je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer la dernière édition  du "magazine littéraire", qui consacre un dossier spécial aux lettres nordiques dont la vitalité actuelle est tout à fait exceptionnelle.  
Il suffit d’analyser les chiffres de vente des polars et autres romans du grand nord pour le comprendre, observer la fréquentation de festivals thématiques comme "les Boréales", ou encore s'intéresser à la multiplication des conférences et des expositions en lien avec les pays du nord. 

Plusieurs sujets ont retenu mon intérêt dans ce "magazine littéraire", à l'image des rivalités et imbrications linguistiques entre les sept langues qui coexistent aujourd’hui en Europe du Nord.
On les appelle les "langues nordiques" mais en réalité, certaines d'entre elles appartiennent à des familles linguistiques qui se côtoient mais n'ont rien en commun.
J'ai beaucoup aimé également le cours particulier proposé par six traducteurs nordiques (dont Eric Boury pour l'islandais) ou encore l'article d'Antoine Jacob (que vous retrouvez sur son excellent blog) sur les motifs et registres dont se nourrissent les auteurs nordiques pour écrire (surnaturel, burlesque, ironie).

Un dossier à lire sans aucune modération ! 

mercredi 23 mars 2011

Islande : The Sea, de Baltasar Kormakur

Dans l’avion qui survole les premières terres noircies d’Islande, Françoise, jouée par Hélène de Fougerolles se tourne vers son petit ami islandais et lui demande :

- « C’est comment ici, tu n’en parles jamais » ?
- « Tu veux vraiment savoir comment c’est ? Ma sœur s’est fait violer juste avant sa communion, comme la plupart des filles d’ici ; ça l’a pas mal perturbée. Quand mon père l’a su, il s’est contenté de la traiter d’imbécile. Il ne lui a plus parlé pendant 10 ans. Il lui a dit : les imbéciles se font violer par les imbéciles….. Voilà le genre d’endroit que c’est »

Convenons-en, il y a de plus jolies images pour définir l’Islande, ses villages isolés et les relations qui se jouent entre membres d’une famille. Mais à travers cet échange laconique, Baltasar Kormakur peint par petites touches le décor d'un long-métrage imprégné du poids des secrets de famille, de l’ennui et de ses dérives.

L’avion dans lequel Agust et Françoise sont installés s’apprête à se poser sur la piste du petit village de pêcheurs où vit toute la famille d’Agust. Son père, Thordur, sévère propriétaire d’une conserverie de poissons, souffre de la politique des quotas de pêche et de l’insistance d’un de ses fils qui, enlisé dans de sérieuses difficultés financières, le pousse à vendre son affaire. La situation est tendue, d’autant que Thordur se refuse à tout compromis. La seule issue à laquelle il accepterait de se plier consisterait à transférer les rênes de l’entreprise familiale à Agust, ce qui n’enchante personne.
L’ambiance est donc à l’image du décor boréal : sombre. Et le cœur pas vraiment à la fête. Pourtant, les premières minutes du film sont agréables, très drôles même. La famille que Kormakur nous présente est déjantée. La grand-mère tout d’abord, en véritable tatie Danièle Islandaise, passe le plus clair de son temps à balancer des vannes à tout le monde. Mais plus personne ne relève, pas même la cousine d'Agust. Le pied appuyé sur le champignon, c’est une habituée des excès de vitesse. Et pour échapper aux contraventions, rien de tel qu’une proposition (in)décente au seul flic du bourg : tu me touches les seins et on n’en parle plus. Autre personnage intrigant, cet ado mal dans sa peau qui se bâfre de hamburgers et joue avec avidité au flipper de la station-service.
Autant de scènes légères qui très vite vont se craqueler pour laisser place à un mal plus insidieux, plus brutal, que Kormakur raconte en privilégiant le registre de l’humour lugubre.

Dès lors, le film perd en intérêt, enchaînant les caricatures de mauvais goût sur l’Islande. Les secrets de famille explosent. La personnalité égoïste et vile des protagonistes ne les rend plus touchants comme au début mais détestables. Aux cris succèdent les révélations grotesques, aux révélations les coups et le sang ; pour au final livrer quel constat ? Je le cherche encore. Serait-ce celui du fatalisme ? de la résignation, de l'inextricable poids du destin familial ? 

Je me demande si ce n’est pas la jacquette du DVD qui m’aurait mené sur la mauvaise voie :  « Brûlant, glacé, le film culte venu d’Islande » est-il écrit…forcément, une telle accroche ne pouvait me laisser de glace. Un conseil tout de même, ne vous laissez pas impressionner par la photo. Cette scène est la seule scène charnelle du film. On y voit Agust en charmante compagnie ; non pas avec sa fiancée, mais avec sa cousine, qui est en fait sa demi-sœur….un des nombreux secrets de famille que vous réserve le film...